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29 août 2015 6 29 /08 /août /2015 09:47

Par Christian Briend Conservateur au Musée national d’art moderne, commissaire de l’exposition

Gottfried Honegger reste un artiste à redécouvrir. L’hommage que lui rend le Centre Pompidou contribue, en mettant l’accent sur la genèse et le développement des Tableaux-reliefs, à remettre sa trajectoire artistique en lumière. On sait peu que l’artiste et son épouse Sybil Albers comptent parmi les grands donateurs des collections publiques françaises en matière d’art moderne et contemporain. Leur collection – plus de cinq-cent-cinquante œuvres offertes à l’État –, regroupant des artistes des avant-gardes et de l’art abstrait, trouve place depuis 1990 dans l’Espace de l’Art Concret, installé à Mouans-Sartoux dans les Alpes-Maritimes. 
Acteur majeur de l’art concret, Gottfried Honegger, âgé aujourd’hui de 97 ans, commence sa carrière comme graphiste à Zurich. Lors d’un séjour à Paris en 1939, il compose ses premiers paysages et quelques portraits de style cubiste. La Seconde Guerre mondiale interrompt cet élan et, de retour en Suisse, Honegger ne reprendra une activité artistique qu’en 1949. Proche des artistes concrets zurichois, il commence à peindre au début des années 1950 des compositions qui mêlent références à la nature et géométrie. Dès 1958, lors d’un séjour à New York, il rencontre des artistes du mouvement de l’Expressionnisme abstrait. Il choisit aussi de se consacrer exclusivement à son travail artistique. Honegger présente en 1960, à la galerie Martha Jackson de New York, des œuvres préfigurant les Tableaux-reliefs : des monochromes rouges dont la surface est animée par des éléments géométriques répétitifs de faible épaisseur, recouverts de peinture acrylique. La même année, Gottfried Honegger s’installe à Paris et entre en relation avec Aurélie Nemours, Sonia Delaunay et Michel Seuphor, important historien et critique de l’art abstrait. Fasciné par le livre du biologiste Jacques Monod, Le Hasard et la nécessité, Honegger est, dès 1970, l’un des premiers artistes en France à avoir recours à l’informatique pour une série de dessins programmés par un ordinateur. L’idée de programmation inspire aussi la conception des Tableaux-reliefs, dont les formats deviennent monumentaux. La distribution des couleurs et des formes, modules après modules, est également confiée au hasard par le biais de jeux de dés. 

Échappant à toute monotonie malgré son aspect sériel, cette production permet à l’artiste une grande variété d’approches. Dans les années 1980 apparaissent des diptyques, des triptyques ou des peintures dont les châssis découpés en deux parties font jouer au mur d’exposition un rôle structurant par l’effet d’un subtil décalage. Depuis les années 1990, les Tableaux-reliefs – émancipés du plan du tableau – se confrontent à l’espace sous la forme de reliefs ou de sculptures de métal peint. Les Pliages, qui ajourent des cylindres blancs dont les découpes se développent dans l’espace, constituent le point d’orgue de l’exposition d’un artiste au parcours à la fois sensible et radical.

Après son adieu au tableau, Gottfried Honegger entame sa réconciliation avec le mur. Entreprise moins aisée qu’elle n’en à l’air. La sculpture reste l’élément plastique avec lequel il se sent le plus en liberté, même si elle rencontre le mur. Ses silhouettes autonomes (ainsi les nomme-t-il), graciles en fer peint, empruntent l’ombre lorsqu’il signe le mur. On y retrouve les formes proches des lettres G ou O, comme dans son prénom qui signifie dieu de paix. Alors peut-être est-elle là, la réconciliation avec le mur ?

Etre en paix avec son environnement. Il dit d’ailleurs ceci : « J’essaye aujourd’hui d’intégrer l’art au mur et à l’architecture avec le relief ouvert et non encadré. Simplement pour que nous retrouvions l’œuvre d’art totale, comme pendant la période gothique. Une vue globale du monde. Pour moi, il s’agit de rendre visible l’environnement artificiel dans lequel nous vivons. L’architecture, l’architecture intérieure, la mode, la nourriture etc., doivent être une entité. Pourtant il ne nous faut pas abandonner la diversité visuelle de nos mœurs et de nos habitudes. Je ne cherche pas un style, parce que ce dont nous avons besoin est une culture de la beauté, de la diversité, de la vérité et de l’holisme. »

Pour Gottfried, l’harmonie avec l’environnement est toujours d’actualité, car l’art qu’il défend (en ayant donné sa collection à la France) et celui qu’il crée est proche des hommes. Il peut se traduire de façons multiples et différentes lors d’applications fonctionnelles urbaines ou esthétiques, comme le design. Son art est une source, une origine et son crédo.


Gottfried Honneger, être en paix avec son environnement
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