Walk in my footsteps

« Juste », est un élégant restaurant-bar et un lieu de dégustation de plats de fruits de mer, et de plats à emporter,  juste en bas de la rue de l'exquise église néo-classique de Notre-Dame-de-Lorette, dans le 9ème arrondissement, et c’est une adresse que nous voulions essayer depuis longtemps. C'est parce que nous aimons tous les huîtres et nous avons aimé l'idée d'un endroit qui les offrait en dehors du contexte local habituel des brasseries, majoritairement médiocres, ou des restaurants de poissons chers. Alors, lorsqu'un certain jet-lag induit une inertie, notre garde-manger était encore très vide la deuxième nuit après notre retour de vacances la semaine dernière, nous avons appelé pour s'assurer que « Juste » était ouvert, puis nous avons marché dans la rue de Châteaudun, agréablement calme - Il s'agit en fait d'un ruisseau de rue pollué et encombré qui pose la question de savoir pourquoi la ville de Paris, prétendument si verte, ne guérit pas cette artère en y plantant des arbres ? Puisque j'ai raconté à Bruno la façon dont j'ai mangé ma première huître bien trop souvent pour qu’il l'entende à nouveau, je l'ai gardé pour moi-même, mais il suffit de dire qu'il y a une trentaine d'années, lors d'une escapade à Cabourg en Normandie, un français insistant, avec les yeux de la même couleur vert foncé que les eaux de la Manche, m'a encouragé à donner une chance aux bivalves. Nous étions allés faire une longue promenade sur la plage lors d'une belle journée d'été indienne. Puis, j'ai vu une cabane de mer avec des chaises pliantes sur un petit bluff surplombant les dunes. "Je parie qu'ils auront des huîtres", a déclaré Marc, et je craignais qu'il puisse m’inciter, depuis une rencontre malheureuse ou deux (avec les huitres), il y a plusieurs années à la Nouvelle-Orléans, à ce que je leur donne une large place. Pourquoi? Je pensais que je n'aimais pas leur texture étrange et leur aspect grisâtre. Malgré mes protestations, je n'avais même pas la moindre faim, et il était seulement 11 heures du matin, Marc se dirigea vers la cabane de mer et me fit signe de le suivre. Puis, je suis arrivé juste à temps pour le voir fouetter une huître fraîchement sortie de sa coquille. Il m'en a tendu une.

"Je ne peux pas manger d'huîtres", dis-je.

«Pour des raisons religieuses».

 "Je pensais que vous étiez protestant?"

«Je le suis, mais je suis Congrégationaliste, et les Congrégationalistes ne devraient jamais manger d'huîtres».

"Oh", a déclaré Marc. "Je pense que je peux réparer cela."

Il a plongé un index dans son verre de Muscadet, s'est croisé, a murmuré quelque chose, a fait une marque humide sur mon front et a dit: "Je vous ai fait catholique aussi longtemps que nécessaire pour que vous mangiez certaines de ces excellentes huîtres normandes ". Donc, j'ai pris une gorgée de vin, écrasé une huître et l'ai tout englouti. Et pour dire la vérité, j'ai adoré le goût de la mer que la petite bête a laissée dans son sillage.

"Maintenant, tu vas vraiment en goûter", insista Marc, en tendant une autre.

"Il suffit de mordre doucement une ou deux fois."

A contrecœur je l'ai fait, et dans cette bouchée de richesse en iode, est née une passion qui ne me quitte jamais, et ne le fera jamais. Et ce cadeau d'huîtres a été l'un des meilleurs que l’on ne m’a jamais fait pendant toute ma vie. En arrivant dans une nuit chaude, « Juste » était un endroit détendu et amical, et toutes les tables à l'extérieur étaient pleines, alors nous nous sommes accrochés à la table du premier arrivé, à la première serviette à la porte avec un seau métallique intégré pour les coquilles vides que notre repas générerait. Nous avons également inspecté le menu court mais attrayant, qui comprend les huîtres de Théron de Riec-sur-Belon (les spats sont éclos dans les eaux d'Arcachon dans le sud-ouest, puis les huîtres sont élevées près de Morlaix dans le nord de la Bretagne et enfin elles sont achevées dans une baie sur la côte sud de la même province). Il y avait aussi beaucoup d'autres fruits de mer frais, à cuire et à consommer sur place ou à emporter, y compris les palourdes, les coques, les griffes de crabe, les moules et autres friandises de la mer, plus un gros bouillon de homard bouillonnant sur le comptoir où vous passez  votre commande. Les fabuleuses huîtres fermées ont été servies avec du bon pain et du beurre mouillé, et ont été comme un réveillon répréhensible, en particulier pendant cette période de travail acharné qui suit les vacances, un moment de réapparition du stress et de l'activité, et où il faut rattraper tous des choses sombres - factures, taxes, etc., que vous avez laissé assez trop longtemps de côté, pour avoir de bonnes vacances. Ensuite, parce que nous étions encore affamés cette nuit-là, nous avons commandé des bébés palourdes dans une sauce à la crème d'ail, et des palourdes grillées, et la fraîcheur de ces fruits de mer était exemplaire. Elles étaient parfaitement cuisinées, et la salle à manger, remplie d'employés de bureau qui avaient abandonné  leurs cravates et leurs vestes, de résidents locaux et des touristes, et l’ensemble avait ce joli coup de main qui remplit une pièce quand les gens mangent bien, sans faire trop de bruit à ce sujet. Ce que vous voyez, c'est le point fort de « Juste », car vous venez ici sur l'émotion du moment, et ils ne prennent pas de réserves pour des fruits de mer à prix raisonnable, simplement cuits (ou pas cuits).

La curiosité et mon énorme amour pour les algues m'a incité à commander une salade de pois chiches, d'orange coupée, d'oignons verts et d’algues samphires, ces algues Bretonnes croustillantes que j'achète à chaque fois que je les vois sur le marché, parce qu'elle sont une garniture formidable pour risotto, pâtes ou viande grillée, ou poisson. Les pois chiches étaient cuits parfaitement al dente et l'assaisonnement de cette salade était très équilibré. Tout en partageant une pomme au four avec un fouet de sauce au caramel et une crème fraiche, j'ai pensé à ce que « Juste » est une expression parfaite, sincère et amicale reflétant la façon dont les Parisiens veulent manger dans leurs propres quartiers de nos jours. Ce que nous voulions, c'était vraiment un bon repas, décontracté, avec des produits labélisés, des prix abordables, un service amical et une absence totale d'agression ou de prétention. C'est ce que « Juste » offre, et je sais déjà que je vais y aller souvent cet automne.

Juste, 48 rue Laffitte, 9^ème Arrondissement, Paris, Tél. (33) 09 82 33 93 47. Métro: Notre-Dame-de-Lorette ou Chaussée d’Antin-La Fayette. Ouvert du mardi au samedi pour déjeuner et diner. Lundi, pour déjeuner seulement. Fermé le dimanche. La moyenne à la carte : 30 €. http://juste-producteur.com/restaurant/

Traduit du blog d’Alexander Lobrano - Dominique Gentel-Levitan