Walk in my footsteps

Nominé pour son plat signature - une composition d'anguille fumée à la réglisse (racine de réglisse), pommes et noisettes, Restaurants Eels est la meilleure nouvelle table de La Rentrée (la saison d'automne) à Paris. L'allure solide de ce lieu est avant tout due à la cuisine spirituelle, inventive et assurée du chef Adrien Ferrand, mais aussi à la belle rénovation d'un ancien restaurant couscous avec une réelle attention au confort des clients en termes d'éclairage et de bruit. Pascale Perrier et le service charmant et professionnel du personnel de la salle à manger. En arrivant pour dîner avec Bruno, nous avons été immédiatement impressionnés par la qualité et le professionnalisme de ce nouveau restaurant compte-tenu qu’il n’a que trois mois. Avant même que nous ayons regardé le menu, cette aura de confiance gaie, mais acérée, a placé la barre haute de la table de ce jeune chef.

Ici, chaque détail a été pensé, depuis le bar de service en bois recouvert de zinc où Ferrand compose ses plats avant qu'ils ne soient servis, jusqu'aux astucieux supports en verre noir stratégiquement situés autour de la salle à manger pour économiser les marches, et les jolis vases de fleurs sauvages d'automne qui décorent le bar. Sans porter d'uniforme, le personnel en porte un, et c'est presque invisible, puisque l'ensemble a une sorte de chic étudiant diplômé créé par des chemises grises, des pantalons de marine et des chaussures Oxford en cuir de couleur tabac.. Mardi soir, la salle à manger, qui était autrefois couleur couscous et qui a depuis été rénovée et décorée d'un superbe décor rétro vaguement midline par l'architecte d'intérieur Pascale Perrier, était pleine, avec les 42 couverts. Dans un vieux magasin d'angle à hauts plafonds comme celui-ci, cela pourrait signifier que l’on sanctionne un niveau de décibels, mais pas ici. Les tables sont assez espacées pour amortir tout vacarme, et le charmant maître d'hôtel avec une barbe complète mais bien taillée a déclaré qu'il prévoyait toujours d'installer plus d'isolation antibruit dans un avenir proche. Le message était clair: c'est un restaurant qui se soucie beaucoup de ses clients.

Alors qu'il nous servait chacun un excellent verre de Chardonnay du Jura, il ajouta que le plat de signature du chef Adrien Ferrand était une composition d'anguille fumée et ajouta que le poisson du jour était du merlu. Sans y avoir beaucoup réfléchi, j'avais déjà goûté à la cuisine de Ferrand lorsqu'il cuisinait au KGB, l'annexe du chef William Ledeuil à son excellente Ze Kitchen Galerie, à Saint-Germain-des-Prés. Si la nourriture que j'avais mangée à plusieurs reprises était excellente, Ferrand cuisinait toujours dans les serre-livres gastronomiques du style de Ledeuil. Ici, Ferrand, 25 ans, ne se contente pas d'adopter un style qui plait à Ledeuil pour les herbes et les assaisonnements asiatiques, mais il surprend avec de la cuisine française contemporaine, savoureuse et motivée qui dévoilent sa propre créativité. Après avoir parcouru le menu appétissant, j'ai choisi le carpaccio de thon rouge du port de pêche basque de Guéthary, et Bruno a choisi les betteraves rôties au fromage de chèvre. Garni de fleurs de câpres, de basilic thaï, de tomate cerise rôtie et de marmelade de tomates, le thon onctueux était généreusement servi et dégageait un léger goût de l'huile de sésame, du gingembre et de la vinaigrette ponzu dans laquelle le thon était brièvement mariné.

Cependant, rien n'échappait à la saveur océanique essentielle et riche en minéraux de ce poisson sublime, et c'est pourquoi ce plat était si exceptionnel. Bruno appréciait ses betteraves et son fromage de chèvre, mais il remarqua que, aussi bien faite et présentée qu'elle l'était, même sa vinaigrette fruitée à la mûre et au balsamique ne pouvait pas le rendre original. D'après mon expérience, beaucoup de jeunes chefs parisiens éblouissent avec leurs entrées et deviennent plus conventionnels avec leurs plats principaux, ce qui conduit à une déception. Ferrand est l'exception. Mon porc ibérique est venu avec des racines de salsifis grillées et une intrigante garniture de basse-cour de haricots blancs, de maïs et de girolles. Un jus de veau ruddy et une vinaigrette à base d'umeboshi (prune salée japonaise) étaient l'une des meilleures garnitures que j'aie jamais mangées avec de la viande de porc, car son sel, son umami et son acidité de puckery étaient parfaits pour la viande. Bruno a aimé son agneau avec de la purée d'aubergine fumé, du chou flétri et du jus à base de tamarin.

Puisque les portions sont généreuses, nous partageons un dessert: un miraculeux plat automnal de mirabelles cuites au four, les petites prunes lorraines et les quetsches (prunes rouges) aux noisettes, aux cubes de pistaches et à la crème infusée de trèfles. C'était délicieux, tout comme notre repas ici. Ce qui fait du Restaurant Eels une excellente table, c'est que la jeune équipe qui l’anime offre une expérience de service irréprochable et charmante autour de la cuisine exceptionnelle d'Adrien Ferrand. Et c'est en nous promenant près de chez nous après le dîner que nous avons déduit que ce niveau de charme, de bonne humeur et de précision est bien trop rare chez les jeunes chefs de bistrots de Paris.

Malheureusement, souvent, le personnel dans ces endroits est si impressionné par le chef et sa cuisine que leur attitude de service est désobligeante et hautaine, juste à la limite d'être poli, la justification supposée étant que vous avez de la chance (et à peine digne d'être mangé dans un endroit où le chef marche sur l'eau). Au restaurant Eels, rien de tout cela n'est absurde, car la superbe cuisine d'Adrien Ferrand est magnifiquement encadrée par une expérience du client très agréable. Alors, allez-y maintenant avant qu'il ne devienne plus populaire et que les prix augmentent, inévitablement, car c'est vraiment merveilleux.

27 Rue d'Hauteville, 10ème Arrondissement, Paris, Tél. (33) 01-42-28-80-20. Métro: Bonne Nouvelle ou Poissonnière. Ouvert du mardi au samedi pour le déjeuner et le dîner, fermé le dimanche et le lundi. www.restaurant-eels.com