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23 mars 2019 6 23 /03 /mars /2019 11:49

Même dans l’Amérique de Trump, l’intérêt pour les enjeux sociaux et environnementaux progresse au sein du système capitaliste, tant dans les pratiques des entreprises que dans les écoles de management, constate Julie Battilana, professeure à Harvard, dans une tribune au « Monde ».

 

En modifiant la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui cherche à mieux rendre compte de la réalité des enjeux auxquels sont confrontées les entreprises, la France peut faire partie des nations leaders du changement, et ce, à un moment décisif dans le processus de transformation du capitalisme à l’échelle mondiale. On attend en effet aujourd’hui des entreprises qu’elles prennent en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité, comme le précise le projet de loi initial. Il est aussi essentiel que les entreprises qui le souhaitent puissent devenir des « sociétés à mission », sans quoi la France prendra du retard par rapport à d’autres pays qui ont créé de nouveaux statuts légaux pour mieux répondre aux besoins des entreprises de demain.

Même dans l’Amérique de Trump, qu’on pourrait croire, de loin, acquise à un néolibéralisme débridé, le mouvement pour réformer le système capitaliste est plus actif et mobilisé que jamais. Ceux qui poussent au changement ne se contentent pas de contester le statu quo, ils développent des innovations et s’organisent pour orchestrer leur adoption.

 

A commencer par le développement de nouveaux statuts légaux, comme celui de la benefit corporation (« entreprise d’intérêt pour la société »), qui permet aux entreprises de s’engager à prendre en compte non seulement la performance financière dans leurs décisions, mais aussi l’impact de leurs actions sur l’environnement et la société. Ce nouveau statut, qui est aujourd’hui une option disponible dans plus de 30 Etats américains, a d’ores et déjà été adopté par plus de 5 000 entreprises. On compte, parmi elles, l’équipementier Patagonia et la filiale nord-américaine du groupe agroalimentaire Danone (Danone North America). Au delà de la loi, d’autres se mobilisent pour créer les outils permettant de mesurer la performance environnementale des entreprises.

 

C’est en autre, le cas du Sustainability  Acounting Standard Board (SASB) une ONG américaine créée en 2011 avec pour objectif le développement de tels outils pour plus de 70 industries afin de permettre aux entreprises et aux investisseurs de prendre aussi en compte les critères sociaux et environnementaux. SASB qui est aussi le pendant de Financial Accounting Standard Board (FASB) l’organisme de standardisation de l’information financière, fait valoir un argument de poids, celui du principe de matérialité de la performance sociale et environnementale. Suivant cet argument, la transparence en matière d’effort et de rapport sur la performance sociale et environnementale est nécessaire à une prise de décision éclairée des investisseurs, dans la mesure où son omission est susceptible de les induire en erreur.

 

Demande de changement.

Les investisseurs sont d’ailleurs plus nombreux à afficher leur volonté d’avoir non seulement des retours financiers, mais aussi un impact social et environnemental positif. D’après le Global Steering Group for Impact Investment, une ONG basée au Royaume-Uni, plus de 8 milliards de dollars de Fonds gérés aux USA prennent en compte les considérations d’impact social et environnemental. La jeune génération est demandeuse  de ce changement. D’après une récente étude menée par Deloitte (The Deloitte Millennial Survey, 2018), auprès de plus de 10 000 personnes nés entre 1980 et 1990, dans 36 pays, plus de 80% du anel considère que la performance des entreprises ne devrait pas e réduire à la seule prise en compte de leur performance financière. J’observe cette tendance au quotidien avec mes étudiants à l’Université de Harvard. Ils sont de plus en plus nombreux à afficher leur volonté non pas seulement de gagner de l’argent, mais également d’aider activement à régler les problèmes sociaux et environnementaux.

Les contenus qui sont enseignés, notamment dans les écoles de commerce, ont évolué ces dernières années pour mieux répondre à leurs attentes et aux transformations sociétales en cours, aussi bien en Europe qu’aux USA. Par exemple, à la Harvard Business School, le nouveau cours « réimaginer le capitalisme » est devenu l’un des cours optionnels les plus populaires de deuxième année dans le cadre du MBA. En septembre 2019, le contenu de ce cours sera intégré dès la première année dans le tronc commun du programme si bien que tous les étudiants y seront exposés. Il s’agit là d’un changement essentiel en matière d’enseignement encore impensable il y a 10 ans, qui ouvre la porte à d’autres changements dans chacune des disciplines.

Le temps est révolu où les entreprises pouvaient se consacrer à la seule maximisation du profit sans prendre en compte les conséquences environnementales et sociétales de leurs actions. Elles peuvent aujourd’hui, en partenariat avec  leurs employés, leurs investisseurs et les autorités publiques, jouer un rôle clé dans la refonte de notre système économique et social, à condition d’accepter de participer à l’établissement de nouvelles règles du jeu.

Voir l’article dans le journal Le Monde, 17-18 mars 2019 page 89 « Idées ».

 

Julie Battilana est Professeure d’Administration des Affaires à Harvard Business School et Professeure d’Innovation sociale à la Harvard Kennedy School où elle est également fondatrice de la Social Innovation and Change Initiative.

 

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Dans son dernier rapport prévisionnel sur l’énergie, BP reconnaît que, au cours des deux prochaines décennies, la consommation de pétrole et de gaz continuera de croître et représentera encore plus de la moitié des besoins en énergie de la planète.

 

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », affirmait Jacques Chirac devant les Nations unies en septembre 2002. A la même époque, l’un des plus importants groupes pétroliers mondiaux, le britannique BP, faisait sensation en adoptant le slogan « Beyond petroleum », au-delà du pétrole. Seize ans plus tard, la maison brûle toujours, et parfois littéralement, comme en Californie à l’automne dernier, et le pétrole n’a jamais paru aussi indispensable. Dans son dernier rapport prévisionnel sur l’énergie, qui fait référence dans la profession, BP reconnaît que, au cours des deux prochaines décennies, la consommation de pétrole et de gaz continuera de croître et représentera encore plus de la moitié des besoins en énergie de la planète. Et ceux-ci devraient progresser de plus de 30 % entre 2017 et 2040. 

La première raison de cette fringale d’énergie réside dans l’appétit des pays émergents et particulièrement de la Chine et de l’Inde. A eux deux, ils absorberont plus de la moitié de cette croissance. Et celle-ci sera très majoritairement produite à partir de combustibles fossiles. Et même de charbon dans le cas particulier de l’Inde, qui sera plus gourmande encore que son voisin asiatique.

La planète n’en a pas fini avec le pétrole. Voilà de quoi désespérer ceux qui croient dur comme fer que les énergies renouvelables seront au tournant du siècle le mode de production d’énergie prioritaire. En dépit de la ruée des financiers et des industriels sur ce secteur, dont la consommation devrait être multipliée par quatre sur les vingt prochaines années, elles ne devraient, selon BP, représenter que 15 % de la consommation d’énergie primaire en 2040, contre 20 % pour le charbon.

 

Printemps 2019

Printemps 2019

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