Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 octobre 2016 7 16 /10 /octobre /2016 23:23


Virginie Latour est bibliothécaire. Elle vient d'être détachée de son établissement pour travailler chez le grand couturier japonais Akira Kumo qui souhaite mettre de l'ordre dans sa bibliothèque dressée au dernier étage de son hôtel particulier de la rue Lamarck (Lamarck a tenté une classification des nuages...). Akira Kumo aime lui parler, longuement, en plusieurs épisodes dont l'enchaînement semble, comme les Contes des mille et une nuits, repousser toujours un peu plus l'heure de mourir. Ce dont il parle ? Des nuages. De l'histoire des hommes qui s'en sont préoccupés depuis Luke Howard au début du XIXe siècle. Luke Howard, explique Akira, est le premier à avoir donné une classification des nuages et donc à les nommer. Virginie Latour pourra, tout comme nous, vérifier sur Internet la véracité historique du propos.


Akira Humo collectionne tout ce qui a pu être publié autour de la météorologie. Seul manque à sa collection le mythique Protocole Abercrombie, pièce qui achèverait l'immense puzzle du ciel que le couturier construit. Il a eu d'autres obsessions : les prostituées dont il a collectionné les étreintes. Ce qu'Akira ignore, au début du roman, c'est d'où lui vient ce désir de collectionner tout ce qui a été écrit sur les nuages. En quoi cela le concerne-t-il ? L'homme, né à Hiroshima en 1946 (c'est ainsi d'abord qu'il nous est présenté) n'a cessé de fuir son pays. Pourquoi ? Et que recèle le Protocole Abercrombie ?


" Quand Virginie Latour commence à travailler pour Akira Kumo, elle n'a bien évidemment, de toute sa vie, jamais pensé aux nuages. D'une façon plus générale, comme tout le monde, elle n'a presque jamais pensé ". Elle n'a guère non plus pensé au couple qu'elle forme avec son compagnon, modèle effrayant de l'homme moderne (bière, journal télévisé, absence de doute). En quelques lignes, l'auteur nous offre une des plus réjouissante rupture de la littérature contemporaine.

On plonge dans l'Angleterre du XIXe siècle, on survole le Japon confronté à la Seconde Guerre mondiale, on pénètre dans d'obscures forêts tropicales : bref, le roman se fait planétaire à courir ainsi après de somptueux nuages. Des sociétés savantes européennes à une femelle orang-outang de Bornéo, on suit des amateurs de science, un peintre portraitiste du ciel, de scientifiques carriéristes. Akira Humo retrouvera la scène initiale de son existence et saisira de quel nuage primitif sa collection est née. C'est au final une histoire contemporaine du monde sous le prisme des nuages qui se dessine en ces pages.


Les phrases du livre s'enroulent parfois en longues périodes aériennes, véritables cumulonimbus syntaxiques, ou au contraire claquent sèches et courtes tels des cirrus de narration. On trouve des éclairs aussi, images saisissantes, comme celle de ces soldats de Napoléon pris dans l'hiver russe et qui " tombent d'un coup, morts sur les routes, dans un bruit de fagots. " Ou encore cette veuve qui assiste à une conférence, " frémissante comme une terrine en gelée. " 

Petits nuages

Petits nuages

Partager cet article
Repost0

commentaires